Stéphane Popu

photographie

 

Alice

Stéphane Popu

Alice
Paris, 1997.

J’ai photographié cette personne lors d’une rencontre fortuite, peu avant l’aube d’un matin de février 1997. Elle m’interpella pour une cigarette, avec une voix enfantine, en totale opposition avec son apparence. M’approchant d’elle pour lui offrir elle commence à me raconter son histoire : Une histoire sans queue ni tête marquée par la schizophrénie, ou la drogue, ou les deux.

Distant d’elle d’un mètre cinquante, mon appareil chargé d’une pellicule haute sensibilité je photographiais ce visage buriné par la rue, ce manteau trop grand, cette casquette portant l’inscription «vision». Mais, elle, je n’ai pas réussi à la photographier. Elle ne m’opposait aucun regard malgré les clichés que je prenais, comme si elle se trouvait sur un autre plan de réalité

Je photographiais un corps qui ne me renvoyait rien. Et ne me renvoyant rien m’apparut ma propre image, la vanité de mon image plaquée sur celle de mon sujet. Par la suite mon rapport au portrait changea radicalement. Adepte des photos volées je ne pouvais plus alors concevoir de faire des portraits à l’aide d’un tel jeu de miroir. Au delà du miroir, c’est l’endroit ou m’avait projeté cette personne que je me mis à appeler Alice. 

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