Stéphane Popu

photographie

 

Projectiles #2

Stéphane Popu

Epiphanie
București, 2005.

H-12

J'attends et ensuite... tu retournes... on se tourne, multiplions les révolutions autour de nous-même. Nous voici, nous voici loin maintenant.
Nous avons des comptes à régler, des choses à faire.
Des regrets à taire et trouver un abri.
A l'assaut du temps, plus un pas ne se produit sans un souffle contraire, sans une pierre qui roule, sans la ronce qui s'accroche aux chevilles.
Avant la nuit, avant cela, avant n'est plus qu'un murmure dans notre dos. Et pourtant.
L'étendue assombrie se dérobe à nos yeux. Elle se révèle aux sacrifices de l'instant.
Le but s'ouvre, ici n'est plus, maintenant n'est plus.
On avance droit vers la lueur.
On se tient droit dans son rayon.

Tout ceci n'est pénible qu'au regard portés de travers.

 

H – 11

 Il se fait tard maintenant. Les voix prennent des accents martiaux.
Ils comblent leur ivresse.
Ivresse d'alcools contrefaits, d'injonctions contradictoires.
De machines infernales déposées à chaque point de la carte.
Nous voilà. La voilà. Elle est en nous.

 Nous repartons chargés d'un poids.

 

H – 10

Au surplomb de la fenêtre, deux hommes parlent, Une dame promène son chien. Quelques feuilles égrainent le temps, de l'arbre au sol, de l'arbre au sol. Quelques secondes. Les feuilles tombées, le temps s'arrètera t'il  ?

 

H-9

Au supermarché, la queue, les uns derrière les autres, le tapis. Celui devant.
Jus d'orange, tarte congelée, 50 c de lait, pâtes sous blister, dosettes à café, de lessive, de fromage...

 Total, code. Enfin moi.

 Passage au laser, emballage, carte bleue, sac, retour, frigo, canapé, télévision, cuisine, micro, onde, canapé, pub, cuisine, évier, canapé, infos, pub, urine, canapé, somnolence, pub, télécommande, pub, infos, pubs, film, somnolence, chambre, lumière, demain.

 

H – 8

Là maintenant, là bougeant, mordant les entrailles. Là blotti dans l'intimité précaire d'un regard baissé, de l'impérieuse nécessité d'obstruer les ouvertures. Silence, pas de silence. Remué, débarqué, en transit, hostilité des foules adverses, des logiques inverses. Tout seul et tant d'autres. Pas noyé, surnager en gardant le regard clos. Dépasser, croiser, attendre. Furtivement le reflet de son image. Jusqu'au point où les autres deviennent un nom.

 

 

H-7

Orbes embrumées
Échappatoires, mille voies de traverse
Aucun plan que ses routes dessinée
A même le sol
Des lignes droites
grandes étapes
Tunnels
Arrivée

Maintien du souvenir

 

H – 6

But sans course – nuit
Répétition jusque l'hypnose
Et ouverture des sas
Cortex à nu
Preuves d'un désert bruyant
D'un sol parcheminé
Artères, veinules je glisse et me fond dans l'épidermique étendue.

 

H – 5

Le matin,
Autre lieu magiquement acquis.
Compteur kilométrique, zéro.
Un souffle d'air chaud, une rue paisible.

Pas de métamorphose. Solidement humain.

 

H – 4

En rester là? Gestes, geste pour l'arrêt?

Aucune idée. Un pas avant l'autre.

Sur la lancée, qui s'arrête met son voyage en demeure de vertiges.

Le vertige commence avec la décélération.

Le regard de coté.

Un coup d’œil vers toi.

Un vaste étendue épousée par le vent.

Des méandres des courbes.

Pourvu qu'ils m'obstruent la suite.

 

H – 3

D'acide sur le calcaire
Une mémoire dissoute.
Un verre vide sur la table.

Qui était là  ?

 

 

H-2

Au creux d'une courbe
Un banc dévoile le vide,
Où s'écoulent les nuages.
Le temps s'est arrêté ici,
Son empreinte foule le sol.

 

H – 1

De plus en plus minuscules
les silhouettes persistent
L'horizon en vient à bout.
Aucune méthode.

La pugnacité du chien à courir derrière tout ce qui roule.

 

H

Il était là,
Maintenant,
Existait en dehors de moi.

Rien n'est plus...

 

H+1

Cycle,
astrolabe,
roues enchevêtrées, mais pas d'engrenages,
déliées d'entre elles, seulement accordées aux mêmes forces.

 Née du rythme, de leurs intimité à la gravité : la forme.

L'enjambée d'un cycle l'autre
ne tient qu'à une empreinte légère.

 

 

H+2

Les cimes à nu se balancent comme une mer inversée,
une houle de branchages,
cliquetis,
éclaboussures sur un voile d'hiver opale.

 Le sol,

un nuage qui veut qu'on le nomme humus, qui prend l'horizon pour bordure, les fourrés pour volutes.
Ces carrés d'orges cet été, rectangles d'orages, tumultes sagement compartimentés. Fluide sur l'épiderme.

 

H+3

Lancer les dés, mais de quel coté  ?
Lancés. roulent, roulent, frappent, s'immobilisent. Le chiffre le nombre s'inscrit... Absurdité. Le chemin fait le chiffre, le chiffre efface le chemin.

Le chiffre, le chiffre, et puis quoi  ?

 

H+4

Dispérsé. Dispérsé, dispersé dispersé.

 

H+5

Aucune dépense ne comblera ta présence, ni même le souvenir de ta présence. ni encore l'espoir, fut-il contrarié. fût-il inabouti.

 

H+6

Au travers des étendues, à chaque nouveau carrefour,
pour chaque plaque de ciment posée,
les pensées percent, envahissent l'espace, volubiles,
Elles font en s'entrelaçant de chaque nouvel arpent le détour inédit d'un jardin dont seuls les contours me sont familiers.

 

H+7
L'éloignement, toutes distances prises ont dilué le mouvement jusqu'à sa disparition. Ne reste que le temps. Le couple défait, le tissu en charpie. L'intégrité qui voulait se préserver, et qui de fait s'est détruite, à force d'accrocs volontaires.

 Nous sommes des êtres de mouvement. Sans lui des êtres désertés...

 

H+8

Au téléphone, par les écrans, un pas devant l'autre, derrière un volant. Là, le but est premier, la route une contingence. Projectiles. Nous sommes des êtres de mouvement, le mouvement est l'enfant, l'engeance d'une rencontre entre le plus et le moins, le mieux et le pire, ton non et mon oui.
La recherche d'une impulsion, deux milieux, l'énergie. La terre tourne et nous dessus.

 

H+9

Ce n'est pas le mouvement qui me tue, ni son atrophie, c'est l'angoisse de l’irréductibilité du but. Les passages restent des passages... Et pourtant.

 

H+10

Le silence, les marais, la traversée. Dans le noir, une obscurité moite, presque suintante. Je ne cherche pas à te trouver, mais à sortir de là. Même si là, c'est moi  : Un projectile à deux jambes en deuil de sa parabole. Je me concentre à éviter les marécages, mes pieds pour horizon. Il faut aussi parcourir le verso.

 

H+11

La paix retrouvée  ? Conjugaison de l'inertie et du mouvement.

 

H+12

La journée s'achève, les rideaux sont tirés. Je reste devant l'écran. Dehors le tumulte, ni plus, ni moins que le bruit des voitures, des motos, des sirènes, des avions, quelques cris

 

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